Les Tulipes incendiaires
Mettent à feu, mettent à sang,
Toutes les buires, les aiguières
De l’appartement languissant.
Elles couronnent de leurs flammes
La corolle pâle d'un bol
Et, de l'or lamé de leurs lames,
Brandissent l'embrasement fol.
J'aime les luttes insensées
De leurs vases vivants portés
Par les fleurs décontenancées
Des kaolins déconcertés.
Elles infusent aux tristesses
Des obscurités du boudoir,
Des afflux sans délicatesse
Dont se réveille ce dortoir;
Dortoir du ton et de la chose
Où l'âme exquise des objets
S'applique à demeurer morose,
Loin des projets et des sujets.
Les tentures anémiées,
Les ors morts, les miroirs taris
Sentent des ondes remuées
Émouvoir leurs cadres marris;
Et la chute muette et haute
Des pétales sur les tapis,
Semble la rouge Pentecôte
De leur paisible bleu lapis.
//
Les Tulipes sanglantes
Aux pétales polis,
Corolles rutilantes
Et calices pâlis,
Sont, les unes, pareilles
Aux brebis qu'on peut voir,
Sous les aubes vermeilles,
Remonter du lavoir.
Les autres sont pourprées
Comme un troupeau marchant
Sous les splendeurs ombrées
D'un beau soleil couchant.
Dans les vases, les pintes,
En un ordre savant,
Groupant les gerbes peintes
De leur vase vivant,
Elles sont un ciboire
Au décor recherché;
Ma tristesse y vient boire
Un rêve panaché.
Et son Eucharistie
Ne prend point d'air fâché
Ni ne m'excommunie,
Même quand j'ai péché.
//
Les Tulipes, fleurs enflammées,
Tisons d'or, grenats écrasés,
Éclosent les âmes lamées
De leurs panaches embrasés.
Elles sont fauves, rutilantes,
Hors des porcelaines dardant
Les langues fraîches et sanglantes
De leur vivant buisson ardent.
Et l’eau pure où je tiens captive
Leur gerbe de feux et de sang,
Plus follement encore active
Cet incendie éblouissant.
//
La Tulipe est une potiche
Chinoise; en ses flancs cramoisis,
De l'amour dont mon cœur est riche,
Je distille les pleurs choisis.
La Tulipe est une belle urne;
Lacrymatoire d'or penché
Où je recueille, taciturne.
Le sang de mon cœur épanché.
Et cette blanche et rouge averse
Que pleuvent mes rêves défunts
Dans ses flancs inodores verse
Le double jet de ses parfums.
//
Les iris irisés, les roses peu moroses
Ne me plaisent point tant que la Tulipe, fleur
Déserte, que nulle âme aromale n'arrose,
Pour que j'y puisse en paix épancher tout mon pleur.
A Flava la rêveuse, à la fauve Fulvie,
Ainsi j'ai préféré la Belle sans humour
En qui rien ne se mèle à mon âme ravie
Et qui n'est que le vase où pleure mon amour.
//
La Tulipe, en somme, est un vase;
Ses pétales sont des parois
Qui fleurissent avec emphase
Leurs ciboires dorés et droits.
Si la nature, en leurs flancs lisses,
Ne versa nul baume et nul vin,
C'est qu'elle garde leurs calices
Pour un office plus divin.
Car, dans l'inodore étamine
De leurs gobelets enflammés,
Je vous recueille, pur Flamine,
Pleurs de ceux qu'on n'a pas aimés!
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